samedi 17 janvier 2009

2008, l'année où le gouvernement a voulu tuer les "35 heures"




Au moment où Xavier Bertrand quitte ses fonctions ministérielles, quel bilan tirer de la remise en cause du temps de travail ? Panorama.

Nicolas Sarkozy avait annoncé son quinquennat sous le signe de la « rupture ». L’année 2008, par son actualité parlementaire et économique, n’aura pas manqué de satisfaire cette ambition. Dès le début de l’année 2008, alors que le droit du travail français se voit enrichi par la signature de l’accord sur la Modernisation du marché du travail, la CFDT ne cache pas ses doutes concernant le slogan gouvernemental « travailler plus pour gagner plus ». À commencer par la volonté de généraliser les heures supplémentaires. Favorisées par la loi Tepa d’août 2007, celles-ci sont statistiquement en hausse. Toutefois, leur succès reste mesuré. En effet, les chiffres régulièrement délivrés par la Dares doivent prendre en compte les effets de substitution, beaucoup de personnes effectuant déjà des heures supplémentaires non payées ou non déclarées. Et, par effet d’arbitrage, le recours aux heures supplémentaires se fait en réalité au détriment de l’intérim et de l’embauche. Un sujet qui ne manque d’ailleurs pas de révolter le secrétaire général de la CFDT. En rendant les heures supplémentaires « moins chères que les embauches », le gouvernement a non seulement incité les entreprises à ne pas créer d'emplois mais aussi à « supprimer des emplois, en particulier des CDD ou des missions d’intérim. C’est une faute d’anticipation grave », a-t-il affirmé, appelant les entreprises à aller « au bout de leurs responsabilités, en assumant des contreparties en échange des aides de l’État ».

Mais les ambitions du gouvernement en terme de temps de travail ne s’arrêtent pas aux seules heures supplémentaires. Sans même avoir le recul suffisant sur les effets de la loi Tepa pour les salariés comme pour la productivité des entreprises1, se trame dès janvier 2008, dans les coulisses ministérielles « la rédaction d’un projet de loi pour augmenter le temps de travail » avec « une application quasi immédiate, avant l’été ». Une crainte confirmée quelques mois plus tard par un projet de loi portant sur la rénovation de la démocratie sociale assortie d’une réforme du temps de travail : en reformulant certains articles négligeant la “position commune” des partenaires sociaux du 10 avril sur le temps de travail, le gouvernement choisit un passage en force pour imposer une déréglementation de la durée légale. Concrètement, cela se traduit dans les entreprises par un assouplissement du recours aux heures supplémentaires, au forfait et au contingent qui donne la possibilité de remettre en cause les 35 heures en contournant le dialogue social. « Une mise à sac », fustigera la CFDT, qui n’aura de cesse, tant par le biais des mobilisations que des “250 lettres” envoyées aux députés, de dénoncer « un dialogue social bafoué » et des risques sans précédent en termes de conditions de travail pour les salariés.

Or, face à ce démantèlement des 35 heures, la majorité des entreprises ne semble pas percevoir l’urgence de le mettre en œuvre. Elles préfèrent un statu quo que semblent même adopter les entreprises du CAC 40, dont certaines iront jusqu’à se dire « pleinement satisfaites du système actuel ». Mais là n’est pas la seule raison : alors que les employeurs ont toute latitude pour gérer les rythmes de travail de leurs équipes, les effets de la crise balayent ce besoin de travailler davantage…

Les 35 heures, amortisseur de la crise

Peu à peu, les 35 heures passent donc du statut de « carcan » à celui de soupape de sécurité, dans un monde industriel français percuté par la récession, notamment dans l’industrie automobile2. Dès lors, les salariés sont encouragés à solder leurs congés, jours de RTT et autres comptes épargne-temps (CET) qu’on souhaitait il y a encore peu leur faire monétariser. « Effet paradoxal », diront certains. « Frappant », estime pour sa part la CFDT, qui constate que les entreprises se saisissent progressivement de tous les dispositifs rendus possibles par la baisse du temps de travail afin de limiter la crise. Pour Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, « c’est l’ironie de l’histoire : utiliser l’acquis social des RTT des salariés comme amortisseur d’une crise dont ils ne sont pas responsables ! ». Mais pour combien de temps encore ?

(1) Une enquête de la Dares sur l’évolution du recours aux heures sup’ suite à la loi Tepa auprès des entreprises est à paraître en février 2009.

(2) 6 000 suppressions d’emplois ont été annoncées chez Renault, 3 550 chez PSA.