lundi 21 mars 2011

La précarité touche aussi les agents territoriaux


Les collectivités locales doivent faire reculer la précarité chez leurs salariés contractuels, en limitant le recrutement à temps non complet et les emplois aidés, a préconisé le Conseil supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT), dans un rapport adopté le 16 mars et que la Gazette publie. Le CSFPT formule 16 propositions pour agir.

Près de 220.000 contractuels occupent des emplois permanents dans les collectivités, selon Mohamed Amine, directeur de l’observatoire du Conseil national de la fonction publique territoriale (CNFPT), alors que le statut de la fonction publique oblige, sauf exceptions, à recourir à des fonctionnaires.

Et « des trois fonctions publiques c’est la FPT, avec ses 78% des agents en catégorie C, qui emploie le plus fort taux de non titulaires (un agent sur quatre), qui offre les plus faibles rémunérations et par conséquent les plus faibles retraites. En 2008 le montant moyen des pensions versées par la CNRACL s’élève à 1 191 euros », recadre le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale dans un communiqué relayant son rapport.

Ce rapport a été adopté à l’unanimité le 16 mars. Ses 16 préconisations « ne sont qu’un point de départ » pour une réflexion plus développée, a déclaré, l’un des deux rapporteurs, Françoise Descamps-Crosnier, vice-présidente de Association des maires de France et maire de Rosny-sur-Seine (Yvelines).

Plongée dans la précarité de la FPT

Le rapport sur la précarité dans la fonction publique pointe trois types de précarité : la précarité de l’emploi, la précarité des droits et la précarité financière et il insiste sur leur interdépendance.

Certains points soulevés lors de la réforme des retraites ou à propos du projet de décret sur la protection sociale complémentaire et du futur projet de loi sur les contractuels ont nourri les débats et les préconisations du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Précarité : la définition d’ATD Quart Monde – Pour délimiter la précarité, le groupe de travail transversal aux différentes formations spécialisées du CSFPT a retenu la définition du fondateur d’ATD Quart-Monde, le père Joseph Wresinski :

La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible.

Précarité : les non titulaires sur représentés - Avec un agent sur 5 sur emploi contractuel, le rapport étudie, dans sa première partie, la situation des non titulaires. Parmi eux, les femmes sont surreprésentées (68 % des non titulaires), les temps non-complets fréquents (37 % des non titulaires) et les emplois aidés nombreux, même s’ils diminuent (14 % des effectifs des communes de moins de 1000 habitants).

Les collectivités franciliennes sont particulièrement concernées : 55 % des recrutements étaient contractuels en Ile-de-France en 2007, pour 34 % en moyenne au niveau national.

Les catégories A sont surreprésentées parmi les non-titulaires dans les grandes collectivités ; les catégories C constituent une part importante (100 000) de ces non-titulaires alors même que certains grades peuvent être recrutés en direct, puis titularisés, sans concours.

Précarité de l’emploi : les titulaires aussi – Cette étude élargit la notion de précarité à certains agents titulaires qui connaissent, comme le soulignent les auteurs du rapport, « une précarité grandissante » : agents à temps non complet (13 % des agents titulaires, soit 165 000 agents), sur représentés, là encore, parmi les agents de catégorie C et parmi les femmes.
A travers divers exemples, le rapport esquisse des pistes de solutions, expérimentées par des collectivités, pour convertir des temps non complets en temps complets, mutualiser les temps de travail pour lutter contre la parcellisation des emplois, favoriser l’égalité femmes-hommes.

Précarité financière : les rémunérations malmenées – Sur la précarité financière – avec des rémunérations territoriales inférieures de 300 euros en moyenne à celles des salariés du privé et de 500 euros par rapport à celles des fonctionnaires de l’Etat – des témoignages illustrent l’instabilité qui touche les agents non titulaires.

Les bas salaires des Dom-Com sont décrits à partir de l’exemple de la Réunion. « La précarité financière peut toucher la plupart des agents de catégorie C dès qu’ils ont le moindre problème familial ou de santé », explique ainsi la DRH d’une grande commune qui dénombre 600 agents en situation de précarité sur un effectif de 2500 titulaires et 250 non titulaires.
Le coût du logement constitue, selon les régions, un facteur de vulnérabilité. La situation de parent isolé aussi. Cette précarité financière se traduit par une montée du sur-endettement et des demandes d’aides financières en hausse.

Précarité des droits : souvent un manque d’information – Etudiée en troisième partie du rapport du CSFPT, la précarité des droits se traduit au moment de la retraite, mais aussi dans l’accès aux soins et, pour les non titulaires, à l’assurance chômage, à la formation professionnelle et aux reclassements.
Des initiatives préventives sont proposées. Dans ce domaine, c’est l’accès à l’information qui s’avère insuffisant. La nécessité de relais et la création d’un « médiateur social » sont cités parmi des pistes possibles pour favoriser l’accès aux droits des personnels les plus fragiles.

Le rapport, extrêmement fouillé, a été achevé en huit mois, avec pour objectif d’être disponible avant la signature de l’accord sur la réduction de la précarité dans la fonction publique, prévue par le gouvernement pour le 31 mars, a précisé Mme Descamps-Crosnier.

Principales préconisations du CSFPT

· Les collectivités locales doivent faire reculer la précarité chez leurs salariés contractuels, en limitant le recrutement à temps non complet et les emplois aidés.

· Le rapport conseille d’ »inciter les employeurs à la vigilance » en « évitant le recrutement d’emplois aidés lorsque il n’est pas prévu de mesures d’accompagnement et de propositions à la suite du contrat ».

· Le CSFPT incite aussi les collectivités à éviter « la création d’emplois à temps non complet » et les met en garde contre la « non-prise en compte des besoins permanents de remplacement ». Pour faire face à ces besoins, il conseille d’instituer des « dispositifs de mutualisation de l’emploi territorial », dont les « pivots » seraient les centres de gestion, en particulier dans les petites collectivités.

· Le texte préconise aussi « la mise en place d’un dispositif pérenne de titularisation des agents non-titulaires qui occupent des emplois permanents ou qui ont été recrutés pour des besoins temporaires, dès lors qu’ils exercent leurs fonctions de manière durable ».